Le cas de la C-Beauty
La pandémie de Covid-19 a profondément modifié les habitudes de consommation sur le marché Mainland China et pour les consommateurs chinois. La « Beauté Chinoise » également appelé « Chinese Beauty » (ou C-Beauty) a su prendre avantage de cette crise sans précédent pour émerger en utilisant son avantage culturel (à savoir sa connaissance des attentes et besoins des clients), des prix plus compétitifs et adaptés au pouvoir d’achat des consommateurs afin de pouvoir cibler la Gen. Y (également appelé Millenials, 1990 à 2000) et la Gen. Z (1995 à 2010). La gent masculine en Chine, n’hésite pas à utiliser des produits cosmétiques (avec l’impulsion de la Corée du sud), créant ce faisant un nouveau marché, stimulant de par ce fait les ventes dans ces secteurs.
Ces marques chinoises de C-Beauty ont innové en collaborant avec des influenceurs phares et en faisant appel à des éléments culturels chinois. C’est par exemple le cas de la marque Huaxizi (花西子 huā xīzǐ en langue chinoise, également connue sous le nom de Florasis) qui a lancé en collaboration avec Li Jiaqi 李佳琦, surnommé « le roi du rouge à lèvre » (口红一哥, kǒuhóng yī gē en langue chinoise, littéralement « frère du rouge à lèvres », traduit en anglais par « lipstick king ». Il est suivi sur Douyin, la version originale de Tiktok, par plus de 40 millions d’abonnés), des coffrets en édition limitée de maquillage comprenant une palette d’ombres à paupières, des pinceaux etc. La marque puise son inspiration dans la culture des minorités ethniques chinoises, le package étant gravé sur argent, reprenant l’artisanat du groupe ethnique Miao (苗族 miáo zú, litt. « peuple Miao », originaire des provinces du Sichuan, Yunnan et Guangdong). Ces produits en édition limitée ont une valeur variant entre 120 et 225 euros et s’inscrivent dans le mouvement des produits de cosmétiques haut de gamme. Le lancement s’est effectué sur la Little Black Box de TMall, une plateforme de la firme Alibaba, pensée pour les nouveaux produits.
Que peuvent retirer les marques occidentales de ces modes de fonctionnement de la Chinese Beauty ?
Objectivement, les collaborations entre les KOLs (Key Opinion Leaders), KOCs (Key Opinion Consumers) et les marques sont extrêmement importantes tout comme les partenariats entre marques afin de créer de nouveaux produits innovants. C’est avec de telles synergies que les marques faisant la Chinese Beauty arrivent à dépasser leur public cible traditionnel, en collaborant avec une marque issue d’une autre industrie afin de toucher une nouvelle cible.
L’Oréal X Musée National de Chine
Certaines marques et groupes occidentaux osent se lancer dans de tels partenariats, comme cela a pu être le cas d’une collaboration entre le groupe L’Oréal et le Musée National de Chine. A cette occasion, cinq rouges à lèvres de cinq couleurs différentes représentant les cinq grandes beautés de la Chine ancienne, apparaissant dans une estampe datant de la dynastie Qing et conservée au musée. Sur les emballages figuraient également des peintures traditionnelles chinoises.
Photographie envoyée au média China Daily et trouvable sur leur article dédiée
Yuesai X Dictionnaire Xinhua (新华字典)
La marque chinoise Yuesai (羽西 Yǔxī en langue chinoise), une filiale du groupe L’Oréal, a collaboré avec le dictionnaire Xinhua (新华 xīnhuá en langue chinoise, la référence du dictionnaire en langue chinoise en Chine, publié par la presse commerciale) en 2019 pour lancer un sac miniature en forme du dictionnaire éponyme. Ce lancement faisait partie d’un ensemble d’une campagne publicitaire pour un hydratant réalisée à partir d’un ingrédient traditionnel de médecine chinoise, un champignon lingzhi. Le leitmotiv de cette campagne était le suivant, « un nouveau féminisme, révolte contre le temps ». Les hashtags relatifs à cette campagne ont atteint jusqu’à 50 millions de vues sur Sina Weibo.
Photographie trouvable sur l’article s’intitulant “Does the dictionary have a word for inexplicable cross-promotions?” en date d’août 2019 du site campaignasia.com
C’est avec ce type de nouvelles synergies, en s’alliant avec des marques autres ayant un fort impact sur l’imaginaire collectif chinois que leurs contreparties occidentales peuvent tirer leur épingle du jeu, montrant également aux consommateurs chinois leur désir de réaliser des campagnes ciblées pour répondre à leurs attentes et besoins.
Même si le digital reste un enjeu majeur de 2021 de par la pandémie de Covid-19, il ne faut pas oublier que les activations offline restent un puissant levier et les marques ne doivent pas se déconnecter pour autant. De nombreuses marques de la Chinese Beauty s’étant lancé en tant que vendeurs directement sur les plateformes e-commerce chinoise (D2C, Direct To Consumers en anglais, littéralement « direct aux consommateurs ») se déconnectent en lançant d’autres activations afin de développer des liens physiques avec les jeunes consommateurs pour gagner en visibilité et en part de marché.
Une montée en puissance des cosmétiques pour homme
Comme évoqué plus haut dans cet article, le marché de niche de la beauté masculine est une nouvelle tendance qui a pris son essor par la pandémie de Covid-19. Selon une étude menée en 2018 par Vipshop.com et JD.com, deux plateformes e-commerce en Chine, 96% des hommes chinois avaient acheté des produits de beauté en 2017. En 2020, le nombre de vues concernant le contenu relatif aux produits cosmétiques pour homme sur la plateforme Little Red Book (XiaoHongShu 小红书) a augmenté de 67% en terme de volume par rapport à 2019. Les masques de beauté arrivent en tête des produits achetés, suivis de près par les BB creams et les crayons à sourcils.
Un changement se serait ainsi produit parmi la société et la représentation de la masculinité dans la société chinoise aurait évoluée. Les hommes sont désormais assez confiants pour essayer des produits cosmétiques et autres soins pour la peau. Le KOL (Key Opinion Leader, que nous pouvons traduire également par influenceur) numéro un en Chine concernant les rouges à lèvres est un homme, il s’agit de Li Jiaqi (voir précédemment). De nombreuses marques locales voient le jour pour répondre à la demande croissante.
Cette montée en puissance de la beauté masculine s’explique par le fait que sur les réseaux sociaux chinois traditionnels (WeChat, Bilibili, Sina Weibo, Douyin, Xiaohongshu etc.), une nouvelle génération d’hommes est mise en avant, relayant une image de personnes séduisantes prenant soin d’eux. Il est aisé de trouver des tutoriels de beauté mettant en avant des produits de soins pour la peau. Cette génération d’hommes est connue sous l'appellation de « viande fraîche » (小鲜肉, xiǎo xiān ròu en langue chinoise ou « little fresh meat » en traduction anglaise) et promeut un nouveau rapport à la beauté pour la gent masculine. Cette génération œuvre pour le changement de la perception des hommes et propose une vision nouvelle, plus diverse de la masculinité. Cette dernière n’est plus unique mais plurielle et se décompose en diverses sortes. Grâce à ce nouvel état d’esprit de la part de certains hommes chinois, relayés par les influenceurs via les réseaux sociaux, les traits un peu plus féminins sont désormais en vogue remplaçant l’image d’épinal d’un homme fort, costaud et parfois même faisant preuve d’un certain machisme. Un autre influenceur chinois, Dong Zichu 董子初 (également surnommé « Benny Bitch », comptabilisant plus de 4 millions d’abonnés sur Sina Weibo et plus de 1,6 millions sur la plateforme Bilibili) au look androgyne attire à la fois un public masculin et féminin. Il est notamment réputé pour ses tutoriels de maquillage, ses conseils de beauté et le fait qu’il véhicule cette « autre image de la masculinité ». Ces personnalités masculines à la peau impeccable et aux manières enfantines sont en train de changer les critères en Chine faisant la désirabilité d’un homme.
Dong Zichu 董子初 (également surnommé « Benny Bitch », comptabilisant plus de 4 millions d’abonnés sur Sina Weibo et plus de 1,6 millions sur la plateforme Bilibili) Source: Zimbio.
Cette nouvelle génération de « viande fraîche » (小鲜肉, xiǎo xiān ròu) n’est pas apparue en Chine toute seule et a été induite par l’influence de la Corée du Sud et plus particulièrement par le look des stars de la Korean Pop (ou K-Pop) en redéfinissant le concept de la masculinité dans ce pays. Il n’est pas rare en effet de voir ces stars aux visages délicats, avec des cheveux impeccables, porter des verres de contact colorés ainsi que du vernis à ongles. Ainsi la K-Pop, a joué un redéfini l’industrie de la beauté en ouvrant un nouveau marché de niche.
Un rapport en date de 2018 et réalisé par L’Oréal et la plateforme TMall montre que le nombre de consommateurs masculins ayant acheté des produits de beauté sur la plateforme a augmenté de 47% depuis 2017 alors que concernant le public féminin, ce nombre a augmenté de « seulement » 31%. Ce rapport montre également que la Chine est entrée dans une phase de segmentation du marché avec différentes catégories de consommateurs ayant des centres d’intérêts bien distincts, notamment en terme de produits de soins et de produits cosmétiques professionnels (18%), mais également les parfums (10%) et les produits de soins capillaires (6%). Ce sont les jeunes générations qui sont le moteur de ce marché. Pour acquérir cette base de clients, à savoir la Gen. Y & Z, des consommateurs avant tout numérique, il faut tout d’abord passer par ce canal de la digitalisation en les éduquant sur les avantages de la marque, des valeurs véhiculées et sur les avantages / bienfaits des produits par rapport à une marque concurrente. Cette stratégie permet de créer un lien avec cette jeune génération, de se faire connaître d’elle et d’en faire des ambassadeurs de marque de par du contenu inspirationnel, créatif tout en passant par les influenceurs.
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